Associer et dissimuler. Les essais nucléaires en Polynésie française, un « deuxième contact » entre secret et mensonge
La France crée en 1963 le Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP), où elle réalise 193
essais en 30 ans : 46 explosions atmosphériques de 1966 à 1974, puis 147 tirs souterrains de 1975
à 1996. Le choix du site puis le gouvernement du risque reposent sur le secret, en contradiction
avec la volonté d’association des populations locales au chantier puis à la conduite des essais. La
mise au point solitaire d’une bombe qui renforce la vocation de la France à résister à l’impérialisme des principales puissances de la Guerre froide, n’empêche pas de conduire les essais selon
une logique coloniale, qui renoue avec l’asymétrie de l’information.
Le secret devient du mensonge par omission lorsqu’il s’agit d’occulter les risques et de ne
pas publiciser les mesures de prévention. Les impondérables conduisent à décider dans l’urgence
la dissimulation des retombées, dès le premier tir, ce qui enclenche un mécanisme durable. Des
sources récemment déclassifiées documentent le débat sur l’opportunité d’une évacuation des
habitants des Gambier, après le tir Aldébaran (2 juillet 1966) : l’évaluation par les décideurs
des risques respectifs induits par les retombées ou une évacuation, montre que le mensonge se
fonde sur une approche dissociée de la rationalité des acteurs (rationalité des experts, croyances
irrationnelles des riverains et des exécutants). La pérennité de ces représentations peut être
interrogée au vu de la communication actuelle des responsables du CEA, qui résistent toujours
à l’injonction présidentielle de déclassifier leurs archives.
Mots-clés
- Océanie
- xx-xxie siècles
- nucléaire
- secret
- mensonge
- Polynésie française