L’assignat est cet instrument monétaire étrange qui devait permettre de solder le passé – les dettes de l’Ancien Régime – tout en reposant sur l’avenir – la vente future des biens nationaux. Sa nature semblait entrer en écho avec le nouveau régime d’historicité qui était en train d’émerger en cette fin de xviii^e siècle, celui d’un passé devenu inutile pour comprendre un présent accéléré, de plus en plus tourné vers les promesses du futur. Toutefois si ce régime, tendu vers le « progrès », devenait dominant, d’autres rapports au temps subsistaient sous la Révolution. Ainsi l’attente chrétienne eschatologique ou la vieille « histoire maîtresse de la vie » n’avaient pas disparu. Or l’assignat offre un point d’observation incomparable pour discuter des rapports au temps divergents des contemporains. Du geste transactionnel de l’assignat qui déchire le passé, et avec lequel on croit pouvoir contrôler l’avenir, jusqu’à sa dissection statistique présentiste, qui vise à refermer les attentes d’un futur radieux, en passant par le « temps naturel » de l’économie, la vitesse de circulation de la monnaie, le soi-disant jubilé des richesses et les apocalypses en miroir des contre-révolutionnaires fanatiques et des républicains « exagérés », chacun tente tant bien que mal d’articuler le papier-monnaie et ce nouvel espace-temps qu’a été la Révolution française.