En partant de l’analyse des traversées clandestines de la frontière franco-espagnole par des responsables carlistes pendant la Première Guerre carliste (1833-1840) qui oppose les contre-révolutionnaires espagnols au gouvernement libéral de Madrid, cet article met au jour une menace royaliste transnationale dans l’ouest de l’Europe dans les années 1830, et s’intéresse à la façon dont les États répondent à cette menace de plusieurs façons et à plusieurs échelles. L’article montre d’abord comment s’organise cette menace royaliste, à travers des circulations politiques clandestines de responsables contre-révolutionnaires permises par des réseaux et des stratégies illégaux et par la solidarité entre contre-révolutionnaires français, espagnols et portugais, dans un contexte de fragilité des régimes libéraux récemment installés dans ces trois pays. Cette menace, qui tient à la persistance d’un fort courant contre-révolutionnaire dans l’Europe de l’époque, pose un défi diplomatique aux États européens. D’une part, cela suppose pour les régimes libéraux de combattre des mouvements insurrectionnels et illégaux qui disposent d’un certain nombre d’appuis dans les États absolutistes du reste de l’Europe. D’autre part, cela implique pour ces États libéraux le développement d’instruments de répression à une échelle transétatique pour lutter plus efficacement contre ces mouvements, et ce malgré les tensions qu’ils engendrent. À une échelle nationale, les États apprennent également à conjurer cette menace politique en développant des outils de surveillance, de gestion du territoire et de répression. Le cas français montre bien la centralité des espaces frontaliers dans la fabrique de ces dispositifs, centralité qui s’explique par le rôle qu’ils jouent dans la structuration de cette menace royaliste. En croisant approche transfrontalière, approche nationale et approche diplomatique, la réflexion aspire ainsi à proposer une lecture enrichie des processus politiques qui marquent l’Europe des années 1830, à travers un prisme analytique applicable à d’autres espaces et à d’autres périodes.