Depuis mars 2020, les archives du Vatican pour le pontificat de Pie XII (1939-1958) sont accessibles aux chercheurs. Cette ouverture d’archives était très attendue autant pour l’ampleur du volume documentaire à défricher que par le caractère singulier du processus de déclassification propre aux sources vaticanes (sans règle prédéfinie de délai), mais aussi en raison des controverses mémorielles et médiatiques autour de la question de l’attitude de Pie XII face au nazisme et à la Shoah. Pour mieux saisir ces enjeux, cet article revient sur les spécificités du régime archivistique du Vatican avant d’examiner les apports historiographiques attendus de l’ouverture des fonds Pie XII. Entre fétichisme de l’archive, mythe de la transparence du document et discours apologétiques, les résurgences polémiques et sensationnalistes liées à l’ouverture de 2020 occultent les questions pourtant cruciales de méthode historique que soulèvent ces fonds particuliers et très riches. Par leur hétérogénéité et leur dispersion, entre plusieurs collections et dépôts, les archives du Vatican invitent d’autant plus à un travail minutieux de croisement et de micro-analyse des sources. Ainsi, quand elles sont scrutées à « contre-jour » (A. Frugoni), les archives permettent une compréhension plus fine et nuancée de l’attitude de l’Église à plusieurs échelles et au-delà de la seule figure du pape, rendant ainsi davantage visible les ambivalences, les tensions internes et les dilemmes animant la politique du Saint-Siège durant cette période.