L’envers de la République. Histoire et historiens à l’Académie française (1870-1940)

Aux marches du pouvoir
Par Guillaume Lancereau, Baptiste Roger-Lacan
Français

L’Académie française demeura tout au long de la IIIe République une institution dominante du champ de production culturelle. Ses quarante membres incarnaient cependant, dans les termes d’Arno Mayer, une forme de « persistance de l’Ancien Régime », en tant que défenseurs de valeurs politiques et culturelles en rupture avec le modèle intellectuel, à la fois républicain et laïc, promu par le régime. Cette coexistence tout sauf pacifique peut être rapportée à une convergence particulière d’intérêts entre l’État et l’Académie, par laquelle le premier bénéficiait de la réputation nationale et internationale de la seconde ainsi que de sa contribution à l’édification de l’identité nationale, tandis que l’Académie retirait pour sa part un prestige social et une autorité morale considérable de ce patronage officiel. Bien que la mémoire sociale ait canonisé l’Académie française sous les traits d’une institution littéraire, nous faisons l’hypothèse que ces dynamiques prennent tout leur relief au travers du cas de l’histoire. Appuyé sur une prosopographie des historiens académiciens et une base de données des prix décernés chaque année aux ouvrages historiques, cet article met en lumière les traits caractéristiques de cette institution, contre-société ancrée dans le catholicisme, l’aristocratie, le nationalisme et le royalisme, aux avant-postes d’un véritable projet de contre-hégémonie intellectuelle. De la sorte, cette recherche éclaire non seulement une portion conséquente du champ culturel de la période, mais plus fondamentalement une institution politique négligée par la littérature historique en dépit de son rôle capital dans les « guerres culturelles » du temps.

Mots-clés

  • France
  • IIIe République
  • hégémonie
  • Académie française
  • réaction
  • écriture de l’histoire
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