Biopolitique et fabrique de la race pendant les Lumières

Les transformations politiques de la race
Par William Max Nelson
Français

Écrivant sur Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti) en 1776, deux hommes liés à l’administration coloniale française, l’ancien gouverneur général Gabriel de Bory et un avocat nommé Michel-René Hilliard d’Auberteuil, ont appelé à une politique d’élevage systématique sélectionnant les personnes selon le critère premier de la couleur de peau et établissant un lien entre les caractères de la race et le statut civique. C’est, nous semble-t-il, la première fois qu’est suggéré de mettre en place des politiques d’élevage sélectif sur les hommes à grande échelle, dans un lieu et à une époque qui existent réellement, contrairement au non-lieu fictionnel de l’utopie, dans le but de faire advenir une nouvelle hiérarchie raciale. Il semble que la période entre 1750 et 1780, en France et dans les colonies atlantiques françaises, constitue un moment de transformations conceptuelles capitales des idées de race et de biopolitique. Une nouvelle compréhension de la malléabilité radicale du corps humain, ainsi que certaines idées sur la reproduction humaine que cette compréhension rend possible, semblent avoir joué un rôle important dans le développement du concept moderne de race. Les propositions de Bory et d’Hilliard d’Auberteuil aident à mettre en lumière cette transformation. En analysant leurs propositions, je souhaite démontrer ici que, au moment même où les conceptions modernes de la race viennent au jour, les deux versants de la dialectique de la race sont déjà présents. Il existe en effet d’emblée une tension fondamentale entre, d’un côté, ceux qui cherchent à augmenter la diversité humaine et « améliorer » les races grâce au métissage, et, de l’autre, ceux qui souhaitent redéfinir la ségrégation reproductive et créer de nouvelles catégories de différentiation.

Mots-clés

  • race
  • biopolitique
  • Saint-Domingue
  • Lumières
  • Bory
  • Hilliard d’Auberteuil
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