Un rêve derrière un nuage. Lire le chinois dans le Paris du XIXe siècle

Manières de lire
Par Clément Fabre
Français

Depuis le xvie siècle, l’étrangeté et la difficulté de la langue chinoise fascinent les missionnaires jésuites comme les savants européens, et cette fascination trouve encore un écho au xxe siècle dans celle qu’un Roland Barthes ou un Henri Michaux vouent à l’idiome du Céleste Empire. Dans cette histoire séculaire, toutefois, le xixe siècle occupe une place à part, où les sinologues parisiens, alors même qu’ils parviennent à maîtriser la langue chinoise mieux que quiconque en Europe jusqu’alors, s’efforcent de distinguer son déchiffrement des lectures ordinaires. Reléguer la langue chinoise hors du registre commun de la lecture permet en effet à la sinologie naissante d’affirmer son monopole sur cette langue en définissant les modalités de son déchiffrement légitime. Qu’a-t-on le droit de lire dans la langue chinoise ? Avec quels outils doit-on aborder un manuscrit chinois ? Comment doit-on le lire, et quelles émotions sa lecture est-elle censée procurer ? Le déchiffrement de la langue chinoise fait ainsi l’objet d’une exceptionnelle théorisation. Ce qui n’empêche pas pour autant des acteurs non sinologues, tels les amateurs d’art et les poètes, de s’obstiner à lire différemment la langue chinoise, et à y lire autre chose – que ce soit la valeur d’un vase chinois ou le secret d’un effet poétique. Le cas de la langue chinoise dans le Paris du xixe siècle permet ainsi d’aborder deux questions largement négligées par l’histoire de la lecture : l’acte de lecture varie-t-il au gré des langues lues ? Et que lit-on dans un texte, hormis son sens ?

Mots-clés

  • lecture
  • Chine
  • chinois
  • Paris
  • sinologie
  • orientalisme
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