Se (re)faire musulman. L’accès des pauvres itinérants aux droits de la conversion (Espagne, XVIIIe siècle)

Revendiquer des droits
Par Thomas Glesener
Français

Cet article propose une redéfinition du musulman libre dans l’Europe d’Ancien Régime comme figure juridique de pauvre qui jouit de droits réservés pour permettre son insertion sociale. Cette condition suscite les convoitises d’individus n’ayant aucun lien avec l’islam mais qui se trouvent dans une situation de précarité sociale équivalente. La question est étudiée à travers une série de procès d’Inquisition mettant en cause des musulmans itinérants en Espagne au XVIIIe siècle qui sont soupçonnés d’avoir renouvelé le baptême à plusieurs reprises. Parmi les inculpés, certains se révèlent être des vieux chrétiens (espagnols ou italiens) qui se font passer pour musulmans afin, eux aussi, d’être baptisés à nouveau. À la lumière de ces cas, le baptême des musulmans se révèle être non pas un processus d’assimilation culturelle dans les sociétés catholiques, mais un processus d’affiliation sociale dans une communauté locale. En effet, en donnant accès à la conversion, la communauté accepte de prendre sous sa tutelle un individu qu’elle reconnaît comme appartenant à l’islam, et qu’elle considère à ce titre comme un mineur abandonné. Le processus de conversion apparaît alors comme un système d’assistance spécifique visant à établir une affiliation stable au sein d’une maisonnée dans une relation au parrain qui se déploie selon une gamme variable de liens de dépendance allant de la domesticité à l’adoption.

Mots-clés

  • Espagne
  • XVIII e siècle
  • islam
  • pauvreté
  • charité
  • mendicité
  • conversion
  • Inquisition espagnole
  • histoire
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