Tradition catholique et matrice de l’antisémitisme à l’époque contemporaine

La religion, aux sources de l’enseignement du mépris ?
Par Nina Valbousquet
Français

À partir d’une revue historiographique, cet article souligne les limites d’une distinction systématique entre antijudaïsme religieux et antisémitisme dit moderne. Dépassant ces deux catégories, il s’agit au contraire d’examiner une matrice catholique de l’antisémitisme, analysée à la fois dans la continuité et selon les facteurs de renouvellement de ces préjugés durant l’entre-deux-guerres avec l’étude des réseaux catholiques intransigeants autour de Mgr Benigni. Les cas étudiés révèlent un antisémitisme à matrice catholique associant simultanément préjugés religieux traditionnels et nouvelles thématiques politiques et raciales. Durant l’entre-deux-guerres, une tradition d’hostilité religieuse est ainsi réactivée et transformée.
Après une réflexion initiale sur la singularité d’un antijudaïsme religieux, cet article démontre que les matrices chrétiennes et anti-chrétiennes de l’antisémitisme moderne ne s’excluent pas mais ont pu au contraire s’entrecroiser. À l’heure de l’émancipation des juifs, le discours contre-révolutionnaire et anti-moderniste est un terrain de convergence entre préjugés religieux et sécularisés. Une comparaison sur la longue durée permet de souligner les mécanismes de construction de barrières raciales remettant en cause les identités religieuses et la conversion. La peur de la « judaïsation » de la civilisation chrétienne est ainsi un facteur de renouveau de cet antisémitisme catholique à l’époque contemporaine. L’accusation d’« infiltration juive » est de plus mobilisée dans une fonction intra-ecclésiale, comme une arme dans les rivalités entre différents acteurs catholiques.

Mots-clés

  • antisémitisme
  • antijudaïsme
  • juifs
  • Église catholique
  • Vatican
  • entre-deux-guerres
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