Les eaux de l’Himalaya : barrages géants et risques environnementaux en Asie contemporaine

L’eau, le climat et les hommes
Par Kenneth Pomeranz, Guillaume Ratel
Français

Au cours du demi-siècle passé, la Chine et l’Inde ont obtenu une très forte – et nécessaire – augmentation de leur production agricole ; les projets d’irrigation, dont la plupart impliquent de prélever l’eau des nappes phréatiques, ont joué un rôle crucial, mais qui ne saurait durer. Ces pratiques, auxquelles s’ajoute la croissance des villes et de l’industrie, rendent très probables des pénuries dévastatrices dans un futur proche. Pour compenser ces manques, les deux pays envisagent des projets de détournement des eaux à très grande échelle ; certains sont en cours en Chine, alors que l’Inde en est encore à la phase de planification. Les deux pays (ainsi que certains de leurs voisins) construisent aussi de gigantesques barrages hydroélectriques. Tous ces projets convergent vers l’Himalaya, où les réserves d’eau propre sont encore relativement abondantes, et dont l’altitude élevée engendre un gros potentiel en termes d’énergie hydroélectrique ; mais les risques environnementaux sont énormes et, parce qu’un grand nombre des fleuves prenant leur source au Tibet traversent des frontières internationales, le risque de conflit est aussi important. Le Yarlung Tsangpo/Brahmapoutre est le principal sujet de dispute, mais de nombreux autres fleuves sont aussi dans ce cas. Les incertitudes liées au changement climatique ne font qu’aggraver ces risques.
Pays situé en amont et doté d’une capacité financière et technique suffisante, la Chine est l’acteur le plus puissant et le plus indépendant dans ce domaine ; dans le même temps, divers facteurs institutionnels et (à un moindre degré) idéologiques incitent le gouvernement chinois à s’attaquer à ses problèmes d’eau en construisant d’énormes projets pour accroître ses réserves, même dans des cas où des approches plus décentralisées, mettant l’accent sur la protection des ressources, semblent plus prometteuses. Cet article retrace l’histoire de ces problèmes, puis décrit les difficultés politiques et environnementales qu’ils présentent aujourd’hui, et enfin explique certaines des raisons pour lesquelles les approches à haut risque susceptibles de provoquer des conflits internationaux garderont probablement, malgré tout, la faveur des autorités.

MOTS-CLÉS

  • XX e siècle
  • Himalaya
  • Chine
  • Inde
  • détournement d’eau
  • énergie hydroélectrique
  • sécheresse
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