Capitales policières, État-nation et civilisation urbaine : Londres, Paris et Berlin au tournant du XIXe siècle

Ordre et désordres publics
Par Quentin Deluermoz
Français

En matière d’histoire policière, le XIXe siècle se caractérise par la diffusion, dans plusieurs capitales européennes, occidentales ou impériales, de traits empruntés à l’organisation de la police métropolitaine de Londres, alors élevée au rang de « modèle ». À rebours d’une lecture qui enferme ces formes de contrôle social dans des types politiques nationaux, ou qui associe cette diffusion à un vaste processus de « modernisation », l’article entend revenir, à partir des exemples de Londres, Paris et Berlin, sur les circulations, les adaptations et les redéfinitions particulières à ce phénomène. L’analyse, en jouant sur les échelles d’observations et en pratiquant une approche connectée et comparée, permet de dégager la complexité des modes d’élaborations des polices urbaines. Entre logiques étatiques et logiques urbaines, impulsions locales et transnationales, s’affirment peu à peu de nouvelles « capitales policières ». Elles se distinguent à la fin du siècle par des traits communs censés définir la modernité métropolitaine, par des pratiques répressives plurielles, par l’inscription dans une compétition internationale, ainsi que par des différences dont certaines sont affichées et associées aux stéréotypes nationaux. Émerge alors dans ces capitales, autour de cette figure visible de l’ordre, la thématique d’un « policier national » qui soit à la fois caractéristique d’une nouvelle « civilisation urbaine » (avec ses faiblesses) et porteur des définitions collectives de soi. La prise en compte, au sein de cette configuration multi-sites, de la co-production des proximités et des écarts permet de revenir sur l’interprétation de certaines mutations partagées et singularités locales – que ce soit en termes de relations de pouvoir, d’expérience quotidienne de la grande ville, de place du fait militaire dans la société ou plus généralement du rapport à la norme et à la violence. L’exemple plaide pour une histoire renouvelée et collective, de plus longue durée et à plus grande échelle, des pratiques et administrations d’État, afin de permettre à terme une relecture des grands processus de transformation sociale qui sont généralement censés les accompagner.

MOTS-CLÉS

  • Europe
  • XIX e siècle
  • police
  • État
  • histoire comparée
  • histoire connectée
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