Quitter l'orthodoxie en Russie centrale, 1905-1914

L'individualisation en question
Par Michel Tissier
Français

L’oukase du 17 avril 1905 infléchit la politique religieuse de l’Empire russe en dépénalisant les conversions depuis la confession orthodoxe vers les autres confessions officiellement reconnues. Ce changement intervint au moment où s’affirmait comme jamais dans l’empire la culture juridique libérale, centrée sur la conception du droit comme garant des libertés individuelles. L’oukase eut d’importantes conséquences pour la gestion des tensions religieuses et nationales dans les provinces périphériques de l’empire. Mais en Russie centrale même, dans le cœur orthodoxe de l’empire, la liberté d’apostasier l’orthodoxie concernait tous ceux qui voulaient obtenir la reconnaissance officielle de leur appartenance à une confession non orthodoxe, puisque le droit impérial et la pratique administrative imposaient d’avoir une affiliation confessionnelle. Les traces écrites produites ou recueillies par le clergé orthodoxe, lors de la procédure d’exhortation visant à convaincre les apostats de rester orthodoxes, permettent d’étudier l’usage de ce droit, dans deux provinces de Russie centrale. Il s’agit de comprendre les motivations des apostats dans l’exercice de leur droit, et de s’interroger sur le langage à travers lequel ils les exprimaient devant les prêtres. Les conversions répondaient à des logiques différentes, comme la conviction ou la convenance personnelle. Mais dans l’ensemble les références conceptuelles liées à la culture juridique libérale étaient peu présentes. Et les apostats ne paraissaient pas assez confiants dans la valeur de leur droit pour se soustraire à l’injonction morale de justifier leurs choix devant le clergé orthodoxe.

MOTS-CLÉS

  • Empire russe
  • 1905-1914
  • liberté religieuse
  • orthodoxie
  • conversions
  • culture juridique
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