Les Physiocrates, Turgot et « le grand secret de la science fiscale »

L'ordre fiscal : légitimation et résistances (France, Grande-Bretagne, États-Unis, XVIIIe - XXe siècles)
Par Bernard Delmas
Français

La théorie fiscale constitue la clef du programme physiocratique. Ce sera d’ailleurs, dès les premiers textes, un des thèmes majeurs de l’École et le fameux Tableau économique de Quesnay constitue aux yeux de ses disciples la justification essentielle de leur projet de réforme des impôts. L’objectif est le remplacement de tous les prélèvements par un impôt unique sur le produit net prélevé sur les propriétaires, mais l’analyse précise des thèses des physiocrates et de leurs alliés amène à nuancer l’idée courante d’un strict monolithisme:d’une part,les impôts indirects sont toujours au premier rang de leurs critiques,mais tous oscillent entre la position théorique tranchée de l’impôt unique et une attitude plus pragmatique.Ensuite,la justification du principe de l’imposition est toujours affirmée,mais tantôt c’est une justification par le «marché» fictif passé entre le souverain et les sujets,tantôt par référence à une «copropriété» du souverain sur toutes les terres.Enfin, pour compliquer encore l’analyse,il faut ajouter que les controverses sur la fiscalité constituent toujours un domaine extrêmement «sensible» pour le pouvoir royal.Pour s’aventurer sur ce terrain brûlant,il faut donc faire montre d’une grande prudence,voire adopter un double langage. À cet égard, il est utile de comparer les textes des ténors de la physiocratie et la pratique du seul ministre qu’ils considèrent comme leur disciple:Turgot.Si,dans ce domaine tout au moins,sa position est invariablement d’une parfaite orthodoxie physiocratique, ses critiques portent sur les modalités pratiques de mise en oeuvre des réformes,sujet où il pouvait faire valoir ses incontestables qualités d’administrateur.

MOTS - CLÉS

  • France
  • XVIII e siècle
  • Physiocratie
  • Quesnay
  • Turgot
  • impôts
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