Stratégies pour un emploi : travail féminin et corporations à Rouen et à Lyon,1650-1791

Le genre au travail
Par Daryl M. Hafter
Français

Dans le monde du travail d’Ancien Régime, les femmes ont longtemps été considérées comme des tâcherons non qualifiées privées aussi bien de pouvoir juridique que d’accès à la formation professionnelle ou technique. Mais l’examen attentif du cas des femmes de Rouen et de Lyon met en question cette vision. À Rouen, les maîtresses des corporations représentent 10 % des effectifs des communautés de métier et ne se distinguent guère de leurs équivalents masculins. S’appuyant sur le statut juridique exceptionnel que représente le cas des «marchandes publiques», qui procure une pleine capacité d’action économique, les maîtresses ont défendu avec succès leurs droits et monopoles techniques, accru leur savoir-faire par l’amalgame avec d’autres communautés, et opéré une intégration verticale de leurs métiers. En obtenant le droit de vendre des matières premières aussi bien que des produits finis, elles se sont imposées en tant qu’acteurs économiques sur les marchés en gros comme au détail. À Lyon, d’un autre côté, la maind’œuvre féminine employée dans la soierie, étant sans espoir d’accéder à la maîtrise, c’est sa qualification, indispensable à la survie du secteur, qui la protégeait. Quoique mal payées, les femmes trouvèrent des revenus substantiels dans une participation active à l’économie souterraine de la sous-traitance. Dans les deux cas, soit par les privilèges corporatifs acquis, soit par la qualification et l’astuce, les femmes surent trouver des opportunités et des moyens de prospérer.

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