La contrainte et les marchés : concilier les explications économiques et sociales de l’esclavage en Afrique de l’Ouest précoloniale, vers 1450-vers 1900
Bien que cela ait été peu souligné dans les histoires globales et comparées de l’esclavage, dans les économies de l’Afrique de l’Ouest pendant la période précoloniale, l’asservissement et la traite étaient les sources principales de recrutement de main-d’œuvre, compte non tenu du mariage et de la reproduction qui constituaient des processus bien moins rapides. Comme ailleurs dans le monde, la grande majorité des esclaves de la première génération dans les sociétés africaines étaient des étrangers. Cependant, contrairement aux formes pratiquées par les Européens, l’esclavage indigène en Afrique comportait une dimension d’assimilation car les descendants d’esclaves avaient tendance au cours des générations suivantes à être intégrés de manière de plus en plus égalitaire, à une vitesse et à un degré variable, dans les sociétés concernées. Le lien entre esclavage et assimilation partielle a généré des débats au long cours entre les interprétations « économiques » et « sociales » de cette institution dans le contexte de l’Afrique de l’Ouest. Le but de ce travail est de mettre en cohérence et d’intégrer ces interprétations jusqu’à présent rivales, tout en réfléchissant à leurs implications économiques. Je défends l’idée que c’est l’interaction des dimensions économiques et sociales (et culturelles et politiques) qui, de manière très profonde, est au centre d’une histoire de l’esclavage dans l’Afrique de l’Ouest précoloniale. D’une part, l’accroissement du volume de l’esclavage et les utilisations spécifiques des esclaves dans la région ne peuvent être expliqués sans se référer à la demande d’esclaves en tant que travailleurs producteurs de biens. D’autre part, sans une contrainte organisée, et les conditions politiques et idéologiques permettant de l’appliquer, l’esclavage et la traite n’auraient pas pu exister. Je soutiens que sans une telle contrainte, il n’y aurait pas eu du tout de marché de la main-d’œuvre étant donné la situation économique qui régnait dans la plupart des régions de l’Afrique de l’Ouest à cette époque. Autrement dit, l’hypothèse Nieboer-Domar s’applique ici dans sa forme la plus radicale. En outre, la tendance à l’assimilation de l’esclavage africain doit être comprise comme une réponse à la situation politique de la région et, de manière ironique, comme promouvant la perpétuation d’un commerce intérieur d’esclaves.
Mots-clés :
- esclavage
- traite
- Afrique de l’Ouest
- précoloniale
- économique
- sociale
- travail