Comptes rendus

Ferenc Tóth (Éd.), Correspondance diplomatique relative à la guerre d'indépendance du prince François II Rákóczi (1703-1711), Paris, Honoré Champion, 2012, 609 p., ISBN 978-2-7453-2329-3

par Dénes Harai  Du même auteur

Cette publication donne accès à 254 documents relatifs à la guerre d’indépendance menée en Hongrie, entre 1703 et 1711, par François II Rákóczi (1676-1735), duc des Confédérés de Hongrie et prince de Transylvanie, contre les Habsbourg de la Maison d’Autriche (Léopold Ier, puis Joseph Ier). Il s’agit d’une anthologie de lettres et de mémoires en français, conservés majoritairement aux archives du ministère des Affaires Étrangères dans la série « Correspondance Politique Hongrie et Transylvanie », qui éclairent les relations franco-hongroises de l’époque et en présentent les acteurs qui tenaient la plume : d’une part, le prince Rákóczi et ses diplomates (agents et envoyés de toute sorte agissant en Europe, mais surtout en France : Ladislas Vetési Kökényesdi, Jean-Henri de Tournon et Dominique Brenner) et, d’autre part, Louis XIV, son secrétaire d’État des affaires étrangères (Jean-Baptiste Colbert, marquis de Torcy), ses diplomates en Pologne (l’ambassadeur Jean Louis d’Usson, marquis de Bonnac) et dans l’Empire ottoman (l’ambassadeur Charles de Ferriol) ainsi que ses agents en Hongrie (Pierre Puchot, marquis des Alleurs, le brigadier général Louis Lemaire et le chevalier Louis de Fierville Le Hérissy).

L’idée d’une telle publication remonte à un projet lancé par l’historien Kálmán Benda (1913-1994) dans les années 1980 (p. 7). La documentation accumulée par cette figure marquante de l’historiographie hongroise du XXe siècle fut léguée à l’Institut d’histoire de l’Académie hongroise des sciences. Ferenc Tóth a choisi, à juste titre, de ne pas publier l’intégralité de la « collection Benda », mais d’en retenir seulement une partie et de « continuer » le dépouillement des archives pour choisir d’autres documents emblématiques. Cette édition critique est destinée à entretenir l’ambition de publier, un jour, « la totalité des sources diplomatiques de la guerre d’indépendance de François II Rákóczi » dans le cadre d’une coopération internationale d’envergure (p. 8). Les quelque 470 pages de documents transcrits ici sont accompagnées de notes précieuses sur les personnages-clés de la période, suivies d’une bibliographie de dix pages avec les meilleures références sur le sujet (les titres hongrois sont systématiquement traduits en français pour en faciliter l’accès) et, surtout, précédées d’une introduction de cent pages qui permet, même aux non-spécialistes, de situer les documents édités en comprenant les causes, les enjeux et le déroulement de la guerre d’indépendance hongroise que Louis XIV soutenait pour obliger la Maison d’Autriche à garder une partie de ses forces en Europe centrale et orientale pendant la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714).

Le spécialiste d’histoire diplomatique et militaire qu’est Ferenc Tóth analyse clairement et de façon concise cette alliance de revers que le roi-soleil avait du mal à reconnaître officiellement car Rákóczi avait un déficit de légitimité (étant un sujet révolté contre son souverain), mais dans laquelle le roi-soleil investissait des sommes importantes (p. 41 et 74). Cependant, cette aide financière ne couvrait qu’une partie des dépenses considérables d’une armée de près de 60 000 soldats à son apogée (p. 73), d’autant que l’argent était souvent versé en retard. Dans les lettres rédigées par les agents de Louis XIV à l’attention de Versailles, un regard critique, bien saisi et expliqué par Ferenc Tóth est porté sur cette armée aussi nombreuse que malheureuse en bataille rangée, mais qui savait mener la « petite guerre ». Louis XIV en était parfaitement conscient et disait même au marquis des Alleurs (lettre du 28 juin 1708), que « l’essentiel pour mon service est que la diversion d’Hongrie continue de quelque manière que ce soit et qu’il vaut encore mieux que les Hongrois fassent la guerre imparfaitement qu’à faire la paix avec l’Empereur »(p. 66). Cette guerre de diversion prit fin en 1711 par le traité de paix de Szatmár, signé par le comte Alexandre Károlyi, général de Rákóczi, mais en l’absence et contre la volonté du prince qui se trouvait en Pologne. Le chef révolté entama alors un long exil en France (1712-1715), puis en Turquie (1716-1735) au cours duquel il rédigea deux ouvrages autobiographiques dont de nombreux extraits nourrissent l’introduction de cette correspondance diplomatique, éditée suivant le modèle offert par l’historien Béla Köpeczi pour la période 1711-1735 (Budapest, Balassi Kiadó, 1999).



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